Fondement 5 / L'ouverture métaphorique
La
métaphore est une figure d’expression par laquelle on désigne une entité
conceptuelle, au moyen d’une image qui en signifie une autre, en vertu d’une
analogie et/ou d’une substitution entre les deux entités rapprochées et
finalement fondues. La métaphore rapproche ce qui était distant. Elle permet de
traduire une pensée plus riche et plus complexe que celle qu’exprime un
vocabulaire descriptif concret. Faut-il le préciser, la pratique du soin par la
métaphore est millénaire et elle précède de très loin la compréhension de
l’organisation de la pensée profonde par la métaphore.
La
métaphore a une fonction psychique
La
métaphore occupe une place importante lorsqu’il s’agit de comprendre la
dynamique inconsciente d’un individu ou lorsqu’il s’agit de lui apporter des
modèles d’enrichissement de ses dynamiques inconscientes.
« La
formule de la métaphore rend compte de la condensation dans
l’inconscient », la condensation étant entendue ici comme la substitution
d’un élément par un autre, permettant d’en exprimer le côté refoulé. Ce qui
signifie un mot pour un autre, un mot concret pour un mot abstrait, un
transfert de sens par substitution analogique.
En
psychanalyse, Lacan (en s’appuyant sur les travaux de Freud) a ouvert la voie
en postulant que « l’inconscient est structuré comme un langage »
(structuralisme) et que le désir peut s’exprimer selon deux manières :
soit par la métonymie, soit par la métaphore. Selon Lacan, le signifiant prime
sur le signifié et par le jeu des signifiants entre eux, chez chaque individu,
un glissement incessant du signifié sous le signifiant s’effectue en
psychanalyse par les formules de la métonymie et de la métaphore. Ce qu’il
nomme les « lois du langage ».
La
métaphore a une fonction cathartique
En
psychologie clinique, on peut avoir recours à des histoires qui sont en
relation métaphorique avec les difficultés rencontrées par les patients. Sont
ainsi utilisés auprès des enfants et adolescents des contes, des mythes, des
fables pour leur permettre d’intégrer des savoirs « universels » à
l’homme : la naissance, la transformation, la rupture, la violence, la
mort… Ce type de textes, des textes d’apprentissage et de soin entre en résonance
directe avec des parties de la pensée qui sont mal accessibles à la conscience
(pratique millénaire notamment dans l’Egypte antique).
Il
semblerait en revanche que dans la psychose, la métaphore ne soit pas un outil
thérapeutique dans la mesure où le psychotique n’a pas accès à celle-ci. Le
trou « symbolique » exclut la métaphore car la langue de la folie est
singulière et propre à chacun des sujets psychotiques. Le psychotique ne
connaît pas la communauté d’esprit, il se parle à lui. Contrairement au névrosé
qui connaît la Loi et qui peut accéder au langage de la communauté et donc
avoir accès à la métaphore. En revanche, la métaphore picturale permet d’avoir
une fonction communicante.
La
métaphore structure notre mode de pensée
Sur
un plan cognitif, si l’on s’appuie sur les travaux de Georges Lakoff (chercheur
en linguistique cognitive), les métaphores sont présentes dans notre vie
quotidienne, sans que l’on s’en rende compte, et sont à la base du sens donné à
nos concepts / Métaphores conceptuelles. Nous n’avons pas conscience de notre
système conceptuel mais une observation attentive de notre langage permet de
voir que les métaphores structurent nos modes de pensées. C’est ainsi que nous
avons systématiquement recours aux métaphores dans les différents domaines de la
vie comme le sommeil, le travail, la nourriture, l’amour… Les métaphores
définissent ainsi un réseau de relations entre les choses qui constituent notre
expérience personnelle du monde et notre perception culturelle /métaphores
culturelles. A propos de la métaphore de la guerre, Lakoff explique :
« « La discussion c’est la guerre ». Cette métaphore est
reflétée dans notre langage quotidien par une grande variété
d’expressions : « vos affirmations sont indéfendables. » « Il
a attaqué chaque point faible de mon argumentation. » « Ses critiques
visaient droit au but. » « J’ai démoli son argumentation. »
« Je n’ai jamais gagné sur un point avec lui. » « Tu n’es pas
d’accord ? Alors, défends-toi ? » « Si tu utilises cette
stratégie, il va t’écraser. » « Les arguments qu’il m’a opposés ont
tous fait mouche. […] » C’est en ce sens que la métaphore « La
discussion c’est la guerre » est l’une de ces métaphores qui, dans notre
culture, nous font vivre : elle structure les actes que nous effectuons en
discutant.
La
métaphore a une fonction cognitive de re-catégorisation
Mais
la métaphore est aussi un objet cognitif qui témoigne du processus mental de la
conceptualisation car elle implique un nouveau rapport à un univers construit
(processus cognitif appelé la re-catégorisation). La métaphore suppose donc
l’acquisition de capacités mentales. En psychologie du développement, nous
savons que ce n’est qu’à partir de 4 ans que les métaphores sont comprises et
produites, mais souvent les interprétations sont au pied de la lettre (une
maman dit à son enfant « tu m’as laissé tomber », l’enfant répond
« où ? »). Après 6 ans le stade du développement de l’activité
métaphorique est lié à l’émergence de l’activité métalinguistique. Les
composantes sémantiques sont différenciées, la différenciation permettant
l’acquisition pratique des analogies et des images, constituant les réseaux
sémantiques et les jeux de mots. Dès 11-12 ans la manipulation des métaphores
conventionnelles et culturelles est acquise.
Publié par Dikann
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