Dans la discipline arthérapeutique, la notion de créativité occupe une
place centrale puisque c’est grâce à la créativité que les participants
pourront entrer dans le processus de création. Contrairement à une idée reçue
fréquemment avancée, la créativité n’est pas une habileté particulière, voire
un don, que certains individus possèdent et d’autres non. Cette vision
déterministe, basée sur la question de l’inné, est sans fondement. A
contrario, il semblerait que tous les humains possèdent en eux un potentiel
de création, que ce potentiel peut être éveillé à tout moment de leur vie et
qu’il n’est jamais altéré.
Dans le champ de la psychanalyse, Donald Woods Winnicott (1896-1971,
pédopsychiatre et psychanalyste anglais) a apporté un éclairage très important
sur la créativité. Selon lui, la créativité est entendue comme la capacité à
créer des liens avec le monde extérieur et sa vie intérieure. Mais le sentiment
de créativité ne peut apparaître que dans l’introduction du principe de plaisir
et la créativité est inséparable de la notion de jeu. Et c’est en jouant que
l’enfant ou l’adulte sont capables d’être créatifs et d’utiliser leur
personnalité tout entière. Ce qui sous-entend que le sentiment de créativité
ne peut apparaître que dans l’introduction du principe de plaisir. Or, pour
qu’il y ait du plaisir, il faut qu’il y ait du jeu. Autrement dit, la
créativité est inséparable de la notion de jeu, ce que Winnicott résume de la
façon suivante : « C’est en jouant, et seulement en jouant, que
l’individu, enfant ou adulte, est capable d’être créatif et d’utiliser sa
personnalité tout entière. C’est seulement en étant créatif que l’individu
découvre le soi ».Ci-dessous un article paru dans Le Figaro du 24.04.2015 sur les esprits
créatifs. Dikann
Comprendre les esprits créatifs
Article de Pascale Senk, Le Figaro (24/04/2015)
Si les racines de la créativité
restent mystérieuses, on sait cependant que celle-ci s'épanouit dans certaines
conditions.
Avec le traumatisme psychique,
elle est l'un des objets de recherche favoris de la psychologie expérimentale.
Normal, on aimerait bien modéliser la créativité, pour ne pas dire la mettre en
boîte, afin de la reproduire… Quelle est donc cette grâce qui donne à certains
individus la capacité d'innover, de trouver des solutions inespérées là où les
autres patinent dans le «déjà-vu», de transformer un geste quotidien en œuvre
d'art? Désormais, on le sait, le talent de créer n'est pas réservé aux seuls
artistes. Lorsqu'il s'exprime, il peut transfigurer tous les domaines de
l'existence et parfois même toucher plus que la seule technique artistique. «Un
excellent potage prouve plus de créativité qu'une mauvaise peinture», affirmait
le psychologue Abraham Maslow. Mais alors, pourquoi et comment certains
sont-ils plus doués en ce sens ?
À force de se poser toutes ces
questions, les psychologues obtiennent régulièrement des réponses: ainsi, on
aura notamment appris que la haute compétition, notamment entre équipes, nuit à
la créativité féminine ; que le cannabis, contrairement à ce que l'on
croyait, ne la favorise pas non plus ; en revanche, le fait de se croire
tout permis l'augmenterait! Celui qui se sent privilégié, «au-dessus du lot»,
produira des idées plus nouvelles grâce à son fort besoin de se singulariser et
de briser les conventions, affirme une chercheuse. Soit, mais toutes ces études
s'intéressent aux conditions favorables à cette qualité plutôt qu'au mystère de
ses origines.
« Rééchanter le monde »
Pour la psychanalyste France
Schott-Billmann, celui-ci tient en un seul mot, «jeu», échange ludique et
créatif avec le monde. Et la créativité est innée, présente en chacun.
«L'individu créatif ne l'est pas simplement parce qu'il veut l'être,
affirme-t-elle. Il est d'abord et avant tout un joueur, quelqu'un qui a gardé
de l'enfance cette manière “autre” de regarder ce qui se présente à lui et la
capacité à toujours s'en étonner.» De même que l'enfant qui joue transforme une
simple chaise en bateau, l'adulte créatif perçoit derrière chaque chose une
dimension invisible qui transforme la réalité. «C'est une pulsion de vie qui
rend celle-ci belle et joyeuse», ajoute la psychanalyste qui anime des ateliers
de créativité et a notamment écrit Le Besoin de danser (Éd. Odile
Jacob). «Parce qu'elle “réenchante” le monde, cette créativité donne le
sentiment d'exister plutôt que simplement vivre de manière pragmatique.»
Et France Schott-Billmann de
constater combien beaucoup aujourd'hui, pris par les lourdeurs du quotidien,
manquent cruellement de cette aptitude. «J'écoute de jeunes patientes dont le
rêve ultime est de pouvoir devenir propriétaire d'un trois-pièces dans deux
ans… Un certain esprit de pesanteur les bride, regrette-t-elle. II devient
alors vital de réveiller cette force de vie qui dort en chacune d'elle.»
Soit. Mais comment? La pratique
d'une activité artistique est alors bénéfique: la danse, le tambour… Tout ce
qui relance la pulsion de vie permet de se découvrir autre que ce qu'on
croyait, de «redonner du jeu» et stimuler le regard créateur qui s'exprimera
ensuite dans les petites actions de tous les jours. De même, la psychanalyse…
«Les associations d'idées, le travail sur les rêves avec les liens subtils
entre images et sentiments qu'ils activent sont des mécanismes très créatifs»,
assure France Schott-Billmann.
Le fruit d'interactions sociales
Mais le processus ne fait alors
que commencer. Pour dire d'un individu qu'il est vraiment «créatif», il faut
que celui-ci ait aussi le don de concrétiser ce qu'il a perçu lors de ses
voyages intérieurs. Et là non plus, le don ne suffit pas. Il faut un cadre, des
règles, une ascèse, une technique… Quelle que soit la forme qu'elle emprunte,
la créativité suppose persévérance et efforts réguliers pour donner lieu à des
productions «partageables».
«Si l'individu créatif a de
grandes facultés de réception - imagination débordante, hypersensibilité… -, il
est aussi capable d'émission», résume la psychanalyste. Mais croire que cela
lui est facile ou linéaire, de l'ordre de la gestion, serait pure illusion.
«L'émotion créatrice doit être accompagnée et canalisée tout au long de la vie
tant les épreuves rencontrées par les créateurs sont redoutables et les déserts
à traverser éprouvants», affirme le psychologue Hubert Ripoll qui vient de
mener une enquête passionnante sur ce thème.
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