mercredi 2 avril 2014

L'atelier d'écriture en art-thérapie



Genèse des ateliers d’écriture

D'un point de vue étymologique, l'astelier est un « tas de bois » ou encore « astelle », qui désigne les éclats de bois. Par extension, l’atelier est un lieu où « l’on élabore », où l’on utilise les différents éclats et morceaux de bois pour les unifier et pour fabriquer quelque chose. 
Sur le plan symbolique, l’atelier d’écriture est un espace au sein duquel les participants vont réunir leurs représentations, leurs sensations, leurs affects, leurs souvenirs à partir de leurs mots. Ce processus de construction va entraîner la production d’écrits, de textes, de créations textuelles. Mais l’atelier est aussi le lieu de l’unification, du re-groupement des différents participants qui vont former un groupe.

Les ateliers d’écriture ont vu le jour aux Etats-Unis vers la fin du XIXe siècle, plutôt sous une forme littéraire. En Europe, les ateliers d’écriture se sont développés à partir du désir d’écrire avec les « ateliers de bricolage en écriture » (Anne Roche) et les ateliers d’écriture au sein des instituts médico-psychologiques (Elisabeth Bing).

Les ateliers d’écriture peuvent avoir différentes approches : thérapeutique, éducatif, ré-éducatif, littéraire, expression personnelle…



L’atelier d’écriture, pour quoi faire ?

L’atelier d’écriture est le lieu où les tabous de l’écrit peuvent être levés et où la pensée va re-trouver le sens originel des mots. Elle va se ré-approprier les mots, jouer avec eux, et renouer avec le langage qui la maintient au sein de la société.  L'atelier d'écriture peut notamment permettre de travailler, tout en s’amusant, sur le sens des mots et notamment des mots du langage courant que l’on emploie sans réfléchir.

Comme tout atelier d’art-thérapie, l’atelier d’écriture doit être contenant pour chaque patient. C’est aussi un lieu de dépôt, où l’on dépose ce qui nous encombre. Pour cette raison, les patients doivent pouvoir s’appuyer sur quelque chose de solide, une sorte d’équivalence au corps maternel qui sert de support et d’appui à l’enfant pour se forger sa propre identité et sa propre représentation du monde.

L’atelier d’écriture, l’écriture et le groupe peuvent être assimilés à une sorte de réceptacle et chaque patient peut ainsi enfin « se mettre au monde ». Bien souvent les patients assimilent ce moment de création à une renaissance, un baptême, une ouverture vers l’extérieur, une porte… Ou comment re-naître en écrivant, en traçant des mots.

L’atelier d’écriture offre aux participants un espace pour faire sortir les mots et les partager dans un moment de plaisir, mais aussi parfois d’angoisse. Ecrire, c’est prendre conscience de ce que l’on vit, de ce que l’on ressent. Au sein de l’atelier d’écriture, les différents jeux d’écriture vont permettre au Moi de se démultiplier dans une dynamique de reconstruction de la personnalité. C’est mettre de l’ordre dans ses souvenirs et en témoigner, c’est aussi faciliter le recentrage sur soi. Mais écrire présente aussi des risques, notamment le risque de se perdre et de mettre au jour ses propres contradictions. Beckett disait : « Ecrire, c’est forer son propre trou noir. » Et dans la solitude, les mots sont parfois durs et difficiles à relier.

En atelier d’écriture, toutes les formes d’écriture peuvent être abordées, toutes les thématiques également mais aussi des thématiques ciblées selon les pathologies des participants, selon leur âge, et selon leur rapport à l’écriture et aux mots. Alternance des formes, des jeux et des thématiques d’une séance sur l’autre.

Participer à un atelier d'écriture permet de renouer avec le sens même de la parole, de reconsidérer le Moi par rapport et dans ses rapports à l’Autre. L'atelier est avant tout un lieu convivial dans lequel la parole devient une source de créativité et d'émotion. Chaque participant retrouve une confiance en lui qui lui permet de communiquer avec les autres.



L’atelier d’écriture, un espace de jeu(x)/Je, de création et de parole(s)

Un atelier d’écriture se doit d’abord d’être un espace de jeu et de plaisir. C’est un endroit à part et une parenthèse dans la vie quotidienne. C’est un lieu offrant la possibilité de mettre à distance et en perspective d’abord le vécu de la vie quotidienne puis celui de l’histoire personnelle.

Un atelier d’écriture est une bulle dans laquelle on vient se régénérer et oublier pour mieux se rappeler, se détendre, jouer et prendre plaisir à l’abstraction. C’est un lieu où l’on peut ré-inventer sa propre histoire pour mieux mettre en perspective sa réalité.

C’est un lieu de rencontre de plusieurs personnes libres de contraintes orthographiques et locutions grammaticales en tous genres. C’est un cadre rassurant, dans lequel le plaisir fait lien. C’est un lieu qui favorise l’imaginaire. C’est un espace vivant susceptible d’être régulièrement interrogé, ré-inventé pour s’adapter à la réalité de chaque participant.

Un atelier d’écriture est un espace sensible. Il convient donc de créer les conditions pratiques de la détente, tout en respectant les enveloppes protectrices de chacun. Il ne s’agit pas de s’intéresser aux histoires personnelles des patients mais bien plutôt de leur faire découvrir le plaisir de se re-mémorer. Un atelier d’écriture vivant se doit d’être lui-même inscrit dans un scénario qui entraîne la pensée, dans lequel chaque séance est un épisode d’un feuilleton qui au fil du temps se dessine, de part l’implication des participants.

C'est aussi dans l'atelier que l'on apprend à mieux connaître les « forces d'empêchement » (mais aussi les « forces d'encouragement ») qui sont au cœur de notre rapport personnel à l'écriture, de notre rapport au processus de création.

Écrire en atelier, c’est expérimenter par soi-même de nouvelles voies littéraires, tout en se confrontant au regard des autres. C'est s'ouvrir à d'autres écrivants, à d'autres auteurs, à d'autres façons d'écrire.

L’atelier d’écriture est aussi un espace d’écoute, une écoute qui ne soit pas un jugement, une façon de prendre acte de paroles, sans prêter le flanc à l’interprétation. C’est donc un lieu où l'on apprend à affiner et aiguiser son écoute des textes des autres. De telle façon que l'on devient, peu à peu, au fil des séances, un meilleur lecteur de ses propres textes.



Fonctionnement de l’atelier d’écriture


Les ateliers d’écriture peuvent se dérouler soit en individuel, soit en groupe restreint de 3 à 8 personnes.

Les patients sont volontaires. Idéalement, chaque patient a un entretien individuel avec l’art-thérapeute au préalable afin de lui présenter l’activité d’écriture, et de recueillir ses impressions, envies, insight.

Dans le cadre d’un atelier en groupe, quatre possibilités, trois essentiellement en atelier d’écriture :

-      Soit les participants écrivent et créent individuellement à partir d’une contrainte commune / création individuelle en groupe.

-      Soit les participants écrivent ensemble un texte / création collective.

-      Soit les participants écrivent individuellement puis mettent en commun leurs écrits pour un écrit collectif / création collective via assemblage.

-      Soit les participants écrivent « en dialogue » / création collective en dialogue.


Sur le plan de la « structuration » du groupe, il est intéressant que les groupes ne soient pas homogènes. En d’autres termes, que les différents participants n’aient pas le même rapport à l’écriture, ni le même niveau en termes de vocabulaires ou de culture générale ou encore qu’ils ne soient pas de même niveau social n’est pas un problème. Au contraire, cela peut favoriser de meilleurs échanges, sur différents niveaux. Ce qui est intéressant c’est comment l’écriture peut bousculer et déranger les rapports sociaux, les structures sociales, celles qui régissent  les institutions et celles qui sont intégrées dans chaque être. Dans un hôpital psychiatrique, le public n’est pas homogène. Seule la souffrance psychique est relativement homogène, souffrance psychique accompagnée d’une souffrance sociale.

D’une certaine façon, les techniques peuvent apparaître comme secondaires. Il est évident que certaines consignes vont favoriser la spontanéité pour écrire et faciliter des libertés de langage pour d’autres. D’autres types de consignes vont encore faciliter la concentration et/ou entraîner une certaine gymnastique intellectuelle (voir Contraintes/Jeux et exercices). 



Publié par Dikann
http://dikann.com 


 



Création d’un atelier art-thérapie




Créer une activité d’art-thérapie à médiation plastique dans un pavillon d’entrant n’est pas une chose facile. C’est l’endroit où une « crise » peut s’exprimer et c’est un moment très difficile à vivre pour un patient. Mais si l’activité est bien pensée et si elle s’inscrit dans un processus de soins, elle pourra y trouver toute sa place.



Un projet qui s’inscrit dans la chaîne de soins

La création d’un atelier d’art-thérapie à médiation plastique (ou d’autres medium tels que la musicothérapie, l’écriture, la danse) au sein d’une institution psychiatrique ne fait sens que si elle est discutée et validée par l’ensemble de l’équipe soignante pluridisciplinaire (médecins praticiens, psychologues, cadres infirmiers-ères, infirmiers-ères, et aides-soignants.

En effet, la prise en charge du patient doit être cohérente et avoir du sens. Ainsi, tous les membres de l’équipe peuvent intervenir indirectement, notamment en stimulant un patient a-pragmatique, en créant de « l’insight », et en lui proposant de participer à un atelier. Ce qui permet par ailleurs un étayage plus large des soins proposés aux patients.


Un projet avec des objectifs

Le premier objectif d’un atelier d’art-thérapie est de permettre aux patients, le plus souvent en situation d’isolement, de re-créer du lien, sous toutes les formes possibles. En effet, les patients font face à une altération du lien social voire une perte. Parfois, ils peuvent être confrontés à une altération de la communication verbale avec des difficultés d’expression, une perturbation de la pensée…

L’atelier d’art-thérapie propose alors un lieu d’expression picturale et l’image créée devient un support pour communiquer avec soi mais aussi avec les autres. Il développe et renforce le sentiment d’appartenance à un groupe, permet de développer des liens intra et inter-subjectifs.

L’atelier d’art-thérapie permet également d’offrir une autre relation, une autre approche entre les patients et le personnel soignant, dans un autre contexte.

L’atelier d’art-thérapie permet enfin d’apporter une ouverture vers l’extérieur, par la possibilité de montrer et d’exposer les productions réalisées. Cela permet ainsi aux patients de retrouver une estime de soi, de reprendre confiance en eux mais également de montrer un autre visage d’eux-mêmes à leur famille et leurs proches.


Un projet qui aide à re-trouver du goût

L’atelier d’art-thérapie permet aux patients de se réaliser et de retrouver du goût et de l’intérêt. En effet, la passivité, l’inaction, la perte d’intérêt dues à la maladie et/ou l’hospitalisation, s’associent à un sentiment de dévalorisation avec une atteinte du concept de soi, du sentiment d’impuissance face aux évènements et à la maladie.

L’atelier d’art-thérapie permet d’y remédier par une valorisation via la création et on peut dire que les patients deviennent ainsi acteurs de leur thérapie. Mais l’atelier permet également de reprendre le contrôle de ses capacités praxiques et d’acquérir une relative autonomie (choix du thème de sa création et de sa réalisation par exemple, lorsqu’il n’y a pas de consigne).

Dans l’atelier d’art-thérapie à médiation plastique, les patients peuvent se ré-approprier ou apprendre des techniques de création (peinture, collage, modelage) ce qui leur permet de retrouver des acquis praxiques et de s’exprimer autrement que par la parole.

Enfin, l’atelier d’art-thérapie permet aux patients de se re-créer : c’est un espace de détente où la créativité est stimulée, ce qui permet de re-trouver du goût, du plaisir, de la surprise, de l’étonnement, des émotions… et également maîtriser un nouveau medium. Et peut-être alors donner envie de s’investir dans une autre activité, avec d’autres personnes…

Publié par Dikann