La psychoboxe est une thérapie à médiation
autour de la boxe anglaise. Richard Hellbrunn est à l’origine de ce concept. Cette thérapie, particulièrement adaptée pour les personnes en détention, peut être aussi un soin complémentaire dans le cas de nombreuses pathologies. Plus largement, elle peut s'adresser à tous ceux qui cherchent à comprendre voire à diminuer la violence qu'ils portent en eux.
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"La psychoboxe pour comprendre sa
violence"
Interview de Richard Hellbrunn
par Alain Sousa
pour le site Doctissimo.
Nous avons tous en nous une part
de violence ! C'est ce que souligne Richard Hellbrunn dans son livre
"A poings nommés, la violence à bras le corps". Psychanalyste,
psychologue clinicien et professeur de boxe française, il propose depuis plus
de 25 ans une prise en charge particulière, pour les auteurs de violence
mais aussi les victimes : la psychoboxe.
Selon vous, y-a-t-il une
recrudescence réelle de la violence dans notre société ?
Je suis mal placé pour juger
d'une hausse réelle de la violence dans notre société. Il faut être sociologue
ou criminologue pour pouvoir évaluer le phénomène. Néanmoins, la violence et
les crimes ne semblent pas très nombreux en France : nous sommes
relativement en sécurité dans l'hexagone. Certes, il faut peut-être
relativiser, car certaines violences peuvent ne pas donner lieu a des plaintes.
Au quotidien, il est vrai que les violences verbales, et l'agressivité de
manière générale sont très répandues. Mais cela est biaisé par l'écho important
qu'ont les évènements violents dans les médias. Car cela interpelle les
lecteurs et spectateurs. La violence fascine, bien plus que le sexe ! Les
gens oscillent entre attirance et dégoût, cela met en jeu l'homme et la peur de
la mort.
Justement, les médias et
notamment la télévision ont-ils un rôle dans la violence quotidienne ?
On peut tenir un double
raisonnement par rapport aux fictions ou aux médias. D'un côté, il est clair
que la vision d'images violentes peut inciter quelqu'un à agir, en lui servant
d'exemple. Je pense notamment aux violences urbaines. De même, un ado peut être
tenté de s'identifier à un personnage de film ou de série, ce qui va faciliter
le passage à l'acte. Mais il peut également y avoir l'effet inverse ! Un
film violent peut servir d'exutoire, et permettre de se substituer à l'acte.
Certes, il est sûr qu'un enfant qui est laissé par ses parents huit heures par
jour devant la télé, sans que l'on lui permette de prendre du recul par rapport
à ce qu'il voit, va être influencé. Mais dans ce cas, le responsable est
surtout le vide familial. Mais il ne faut pas jeter forcément la pierre aux
médias : de tout temps l'homme a réclamé de la violence ! Les jeux du
cirque de l'antiquité ou les exécutions publiques au moyen-âge étaient des
spectacles d'une violence extrême, dont les gens raffolaient. Les médias
donnent aujourd'hui aux gens ce qu'ils souhaitent voir !
Donc selon vous, chacun de nous
possède une part de violence ?
On peut essayer de prétendre que
la violence n'existe pas chez soi, mais uniquement chez les autres. Et ces
autres seront alors des "plus sauvages" que soit, ou des gens malades
qu'il faudra guérir… Mais selon moi, nous avons tous en nous des fragments de
destructivité, qui seront tournés vers nous ou vers l'extérieur. Certains vont
l'exprimer directement sous forme de violence, d'autres vont l'exprimer de
manière indirecte, par l'argent, la manipulation, le pouvoir…
Mon travail consiste à aider les
gens à explorer cette part de violence qu'ils ont en eux. Je travaille par
exemple avec des personnes qui sont en prison pour meurtre. Or certaines ont en
eux cette violence de manière consciente. Ils échafaudent sans cesse des
scénarios violents et ont parfois peur de sortir pour ne pas risquer de tuer
quelqu'un ! Alors que d'autres ont tué sans jamais avoir eu une seule
pensée violente !
Mais d'où vient ce passage à
l'acte ? Certains accusent une éducation trop permissive, peut-être liée à
l'après mai 68…
L'origine de la violence
peut-être très différente selon les cas. J'ai des patients par exemple qui ont
été maltraités, écrasés par des figures paternelles brutales. Un jour, ils vont
se réveiller. Soit ils vont se retourner contre le père (en le frappant ou même
en le tuant), et le problème va alors se régler au sein du cercle familial.
Soit ils vont s'attaquer à tout ce qui représente pour eux le père. Ils vont
alors s'attaquer à l'autorité et ses représentants (violence envers les
professeurs, les éducateurs…).
D'autres, à l'inverse, n'ont
jamais été frappés. Au contraire, on ne leur a jamais rien interdit, jamais
montré de limites. Lorsqu'ils rencontrent le non, ils explosent. Cela passe par
la violence envers les autres mais aussi des destructions personnelles.
Vous-même avez mis en place une
prise en charge particulière, la "psychoboxe". En quoi
consiste-t-elle exactement et à qui s'adresse-t-elle ?
La psychoboxe est un travail que
je mène depuis 25 ans. Il s'agit d'un combat de boxe anglaise, dans lequel
les coups sont atténués. Ce n'est donc pas un combat sans limite, et il ne
s'agit pas d'un exutoire. Le but est d'explorer sa violence, avec un partenaire
en face de soi et un observateur extérieur. A l'issue du combat, les trois
personnes se retrouvent pour parler de ce qu'ils ont vécu. La phase d'analyse
permet d'exprimer les émotions et le ressenti. Cela permet en général de
retrouver des repères. Il s'agit d'une psychanalyse, dans lequel le divan va
être remplacé par un ring ! Au lieu de les allonger, je les mets
debout ! Mais le processus reste le même que celui d'une psychanalyse plus
classique. Cette méthode s'adresse à des gens très violents. Je travaille
notamment avec de jeunes adultes qui sont en prison ou des adolescents qui sont
sortis du système. Il ne serait pas possible de les prendre en charge par une
psychanalyse "classique", dans une pièce avec un thérapeute !
Mais je travaille également avec ceux qui vont être confrontés quotidiennement
à la violence : encadrement pénitentiaire, éducateurs… Quelquefois, je
suis amené à travailler également avec des victimes de violence.
Quel recul avez-vous sur cette
méthode ?
Depuis 25 ans, la psychoboxe
a fait ses preuves. D'ailleurs, une vingtaine de praticiens en France la
pratiquent aujourd'hui. Mais je tiens à préciser que cette méthode ne vise pas
à changer les comportements, mais à aider les gens à comprendre ce qui se passe
en eux, à trouver des repères. Souvent il y a une grande souffrance derrière la
violence, que la psychoboxe peut aider à comprendre. Il est vrai qu'en
pratique, la prise en charge va diminuer la violence chez les patients, mais ce
n'est pas le but premier.
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