Article très intéressant sur la question de l’art-thérapie dans le champ social intitulé « Exclusion et médiation en art-thérapie. La violence de l’exclusion (1) ». Cet article a été écrit en 2008 par Martine Colignon, art-thérapeute, Centre d’étude de l’expression, hôpital Sainte-Anne, chargée d’enseignement à Paris V, 126, rue Mouffetard, 75005 Paris. Tél. 06 76 28 30 61.
Colignon Martine, « Exclusion
et médiation en art-thérapie. La violence de l'exclusion », Empan, 4/2008
(n° 72), p. 131-136.
URL : http://www.cairn.info/revue-empan-2008-4-page-131.htm
DOI : 10.3917/empa.072.0131
URL : http://www.cairn.info/revue-empan-2008-4-page-131.htm
DOI : 10.3917/empa.072.0131
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Présentation de l’article
Mettre
en relation exclusion et violence peut paraître redondant : l’exclusion
est par définition une violence infligée à la personne, violence insidieuse,
souvent silencieuse. L’exclusion peut entraîner de la violence prenant pour
cible le corps de l’autre ou le corps du sujet lui-même, en souffrance ;
une violence qui lui colle à la peau parfois.
L’art-thérapie vient en place, dans un entre-deux, pour permettre à la douleur d’imprimer sa marque dans la matière, à la colère de se former et de se transformer, au sujet de relater un « effacement social » qui le met en dehors de la vie et qu’il ne peut plus supporter, pour le conduire peu à peu à agir et à retrouver un sentiment d’efficacité sur le monde.
C’est au travers de bribes de parcours de sujets en grande précarité que nous abordons cette relation entre violence et art-thérapie, comme lieu où se séparent et se confondent en même temps art et soin.
L’art-thérapie vient en place, dans un entre-deux, pour permettre à la douleur d’imprimer sa marque dans la matière, à la colère de se former et de se transformer, au sujet de relater un « effacement social » qui le met en dehors de la vie et qu’il ne peut plus supporter, pour le conduire peu à peu à agir et à retrouver un sentiment d’efficacité sur le monde.
C’est au travers de bribes de parcours de sujets en grande précarité que nous abordons cette relation entre violence et art-thérapie, comme lieu où se séparent et se confondent en même temps art et soin.
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Dans le
champ social, l’atelier d’art-thérapie n’a pas encore acquis de visibilité,
tant du côté des processus créatifs qu’il permet de mettre en œuvre que de la
dimension de prévention qu’il peut assurer, lorsqu’il s’agit d’accompagner des
personnes dites « en exclusion ». La voie de l’art peut permettre,
par exemple, que la violence ne se retourne plus vers l’autre ou vers la
personne elle-même ; de trouver dans le langage artistique sa traduction
afin de dégager un possible à former et à formuler. Il s’agit, lorsque les mots
ne parlent plus, ou parlent trop et violemment, de trouver le chemin de la mise
en forme qui permettra d’alléger une souffrance bien souvent persécutrice et
aliénante. L’art peut permettre de se dégager d’une position de victime, trop
généralement occupée et inacceptable. De se lancer pour se redécouvrir acteur,
se rencontrer capable de bricoler non plus des supports de survie, mais l’amorce
d’un changement de position dans le lien social, la plupart du temps distendu
par l’exclusion. L’art a besoin d’être vu mais, dans ce contexte, ne cherche
pas à démontrer autre chose que sa propension à insuffler l’espoir et le
franchissement des obstacles par un décadrage de la douleur et des violences
qui s’y rapportent.
Le problème de la violence est à
la racine même de l’exclusion
Mariama
est malienne. Elle a 18 ans. Elle vient d’arriver en France. Elle ne parle pas
un mot de français, apparaît très craintive, en retrait. Son père décide pour
elle : elle doit pouvoir travailler dans quelques mois.
Angèle
a 53 ans. Elle est au rmi depuis dix ans. À l’âge
de 40 ans, un infarctus stoppe sa carrière d’aide-soignante. Elle est en
détresse, veut rompre l’isolement dans lequel elle est engluée depuis trop
longtemps.
Lise
a 45 ans. Ancienne toxicomane, elle est encore suivie par un centre de soins.
Elle a connu la rue. Aujourd’hui, elle vit en couple dans un hlm. Elle ne peut sortir de chez elle que très rarement
ou accompagnée de son mari. Elle n’a pas de demande d’aide précise.
Moussa
est en France depuis trois ans, avec sa femme et son fils de 4 ans. Schizo-
phrène, il refuse les soins. Il a vécu de manière très violente une
hospitalisation suite à une plainte de ses voisins. Il est agité, souvent dans
un délire persécutoire. Par peur d’être de nouveau hospitalisé, il fuit tous
les dispositifs d’aide sociale.
Nous
pouvons tous égrener ainsi des bribes de parcours de personnes en grande
précarité. Nous pouvons aussi tous témoigner de la difficulté à accompagner ces
sujets qui dans la situation d’exclusion ont du mal à intégrer un cadre défini.
Que ce soit celui d’une assistante sociale, d’un médecin, d’un réfèrent rmi ou encore d’un conseiller en insertion, leur tendance
paraît être de vouloir s’en échapper, afin de fuir tout ce qui pourrait leur
rappeler qu’ils sont effectivement exclus, sans place.
L’exclusion
fait violence. La précarité n’est jamais un choix. Le renoncement à sa place de
citoyen et de personne humaine ne l’est pas davantage. Les personnes que je
reçois en atelier se sont petit à petit désaffiliées des dispositifs
d’accompagnement classique d’aide sociale et professionnelle. Elles ont renoncé
à demander de l’aide, que ce soit d’un point de vue médical, psychologique,
social ou professionnel.
Cependant,
il reste un espoir : celui d’être entendu en tant que personne, de
retrouver l’estime de l’autre et de soi, de pouvoir réengager une communication
au sein de la grande famille sociale, aussi ténue soit la voix de cette
espérance et quels que soient les moyens d’y parvenir. Cela signifie aux yeux
de ces personnes : « ne pas être un cas » dans un des champs
susnommés ; ne pas être stigmatisées ; ne pas voir leurs problématiques
enkystées par des suivis multiples, qui souvent se chevauchent ; ne pas
être désignées enfin comme « sujets fous » parce que trop en
souffrance. Ce sont des peurs qu’elles expriment et ces peurs sont à prendre au
pied de la lettre.
Leur
mal-être est violent, pour elles-mêmes et pour les professionnels qui les
reçoivent. Cette détresse peut les conduire à prendre des risques, risques
participant souvent pour elles d’une seule et possible reconstruction.
À cette
place d’art-thérapeute, je reçois cette violence sous forme de détresse, de
recroquevillement sur un soi qui ne peut plus se nommer. Il y a l’abandon par
l’autre, le semblable, qui génère un gouffre dans lequel ces personnes se sont
laissées tomber, faute d’avoir pu être retenues, dans un premier temps par
l’entourage proche, puis plus globalement par ce qui fonde l’existence au sein
même de la sphère sociale.
Du côté des travailleurs sociaux
et des personnes
Les
situations d’accompagnement sont de plus en plus nombreuses dans lesquelles
dimension psychosociale et troubles psychiques se manifestent. Celles-ci
placent le travailleur social dans une zone d’indétermination professionnelle,
qui peut aboutir à une impasse dans la relation d’aide et mettre en danger sa
confiance en ses compétences professionnelles. Les manifestations de la
violence, chez les sujets accompagnés, qui peuvent les atteindre, sont
directement attachées au sentiment d’humiliation, d’isolement, de détresse, de
la difficulté, voire de l’impossibilité de se construire en tant que sujet, de
perte d’identité – éléments liés plus globalement au sentiment d’exclusion de
soi.
Une
proposition d’insertion peut en effet induire des effets paradoxaux si le
projet ne correspond pas à ce que la personne peut engager à ce moment-là.
C’est souvent un but jugé hors de portée qui provoque de la souffrance et vient
rompre la relation d’aide.
La
plupart des personnes que nous accueillons vivent leur statut de Rmiste sur les
versants de la dépendance et de l’abandon en même temps. Le suivi social est
souvent ressenti comme une humiliation, malgré la prise en compte de cet aspect
par leurs référents. À ce titre, les travailleurs sociaux expriment fortement
leur désarroi et leur impuissance à aborder la dimension psychique des
personnes en souffrance, parfois en crise. Ils se sentent peu outillés et
eux-mêmes en souffrance, faute de trouver des solutions adéquates à offrir.
L’échange
avec les personnes dites « en exclusion » est généralement
problématique, voire paradoxal. Une double demande, urgente et dramatique,
peut-être adressée sans que la personne en attende quoi que ce soit :
urgence de trouver un emploi (retrouver une place sociale) et demande d’écoute
de sa détresse. Pourtant, ces personnes se méfient des structures qui se
proposent de leur venir en aide, et particulièrement lorsqu’il s’agit du soin.
Ces
manifestations sont le plus souvent des formes d’expression de ce qu’ils
ressentent et non pas des symptômes. Elles peuvent cependant faire écran et
rendre difficile, voire impossible, la relation d’aide dans un contexte précis.
Les
échecs répétés en termes de démarche pointent l’aspect rejetant de toute
stratégie, donc rejeté à court terme – pour se préserver.
Les ressentis de la violence
Les
ressentis de l’exclusion, lorsqu’ils trouvent à s’exprimer dans l’atelier,
passent par une plainte, souvent sourde. Plainte qui touche le corps, le soin
au sens large, la santé et ses représentations, le vécu de l’accompagnement, la
perception de ses propres blocages ou la non-reconnaissance de ses ressources
personnelles.
Le traitement
médical, s’il existe, est la plupart du temps jugé trop lourd, voire
handicapant ou trop contraignant. L’accompagnement est fréquemment jugé
inefficace, les possibilités personnelles inexistantes ou peu accessibles.
Parallèlement à cette plainte, se déroule une histoire de vie, faisant émerger
des ruptures qui n’ont pas encore trouvé d’espace pour se dire. Ou encore des
paradoxes dans lesquels la personne se débat, ayant l’impression qu’il n’y a
pas d’issue possible ou qu’elle n’y a pas accès. Par exemple, la précarité ne
permet pas le plus souvent de suivre un traitement s’il est directement
intriqué aux conditions de vie.
Françoise
souffre de diabète. Elle dort avec sa petite fille dans des chambres d’hôtel
qu’elle quitte tous les trois jours. Elle doit suivre un régime, mais se
nourrit de sandwichs au kebab du coin. Sa condition actuelle et l’énergie
qu’elle déploie pour survivre viennent se superposer à des problèmes de santé
qu’elle ne peut ignorer, certes, mais qui sont insurmontables au quotidien.
Le temps
social et la notion d’espace pour ces personnes se sont petit à petit altérés.
L’investissement d’un cadre de suivi social ou professionnel est difficile,
souvent en pointillés (rendez-vous manqués, difficulté à se mobiliser, à
investir un lieu ou une action d’accompagnement). Le soin, lui, est vécu comme
stigmatisant. La dépense d’énergie se concentre sur la survie au quotidien,
c’est-à-dire la résolution de problèmes au jour le jour, « faire
face », rendant le soin et toute forme de suivi secondaires.
Les
rapports sociaux sont en général dominés par la méfiance, l’agressivité, voire
la violence. L’orientation, la prescription ou toute forme d’intervention
peuvent faire intrusion de manière violente et entraîner une démission, suivie
d’une résignation à un sort qui semble immuable.
Enfermés
dans une spirale de l’échec, apparaissent alors des sentiments liés à la perte,
des problématiques d’ordre identitaire, des idées dépressives, d’abandon,
persécutoires, et parfois des délires. Cependant, il faut noter que si
l’exclusion est pathogène, le mal-être, qui lui est intimement relié, ne relève
pas, le plus souvent, d’une pathologie mentale.
L’expression de la violence
Elle est
la plupart du temps sourde et insidieuse. Elle peut éclater à tout moment :
par le rire anachronique, par l’agressivité à l’égard des autres ou de
l’art-thérapeute ; par l’absence, par les cris et les pleurs, par le
délire.
La
médiation peut permettre de modifier de façon positive une estime de soi
souvent très entamée, sous-tendue par la réactivation d’un désir de changement.
Le fait de « prendre livraison » de sa capacité à exprimer, à
intéresser les autres, à communiquer sur ce que l’on fait, à accepter de l’aide
pour avancer dans sa production peut constituer des garants et des repères pour
mesurer et doser des émotions, sans être submergé par elles.
Certaines
ruptures encore peuvent avoir été écartées pour ne pas souffrir davantage. Le
sujet est capable de s’exclure de lui-même, ce que Jean Furtos (2)
nomme le syndrome d’auto-exclusion.
Angèle
a arrêté de travailler suite à son accident cardiaque. Elle est suivie par une
référente rmi depuis plusieurs années. Son
traitement très lourd ne lui permet pas de reprendre un emploi à plein temps.
C’est pourtant la demande qu’elle nous adresse de manière urgente et dramatique
lorsqu’elle vient nous voir. Sa référente n’a pas réussi, peut-être
pourrions-nous apporter une solution à son problème.
Dans le
cadre d’un groupe de réflexion sur le thème de la santé participative, avec
l’Institut Renaudot, a été proposé un travail collectif puis individuel dans
lequel Angèle accepte de s’engager. Elle le fait au départ en tant
qu’aide-soignante. Elle peint quatre organes désignés comme vitaux. Cela
l’amène à reparler de son accident cardiaque. Elle poursuit alors par une bande
dessinée, dans laquelle le cerveau dialogue avec le cœur. Elle
l’intitulera : Le cœur de la peur. C’est à partir de
cette peinture, alors qu’elle a raconté son accident à de nombreux
interlocuteurs, qu’elle perçoit la fracture qu’il a produite dans sa vie. Il
sera possible ensuite d’envisager avec elle des aménagements réels et
symboliques, lui permettant de retrouver une dynamique personnelle levant une
partie des enjeux, jusque-là jugés dramatiques.
L’art-thérapie dans ce
champ ?
Si
l’atelier n’implique pas dans son cadre un certain nombre de stratégies, c’est
qu’il se place du côté d’un construire ensemble.
Peindre
ou se frotter à la difficulté de réaliser avec des moyens formels est en soi un
travail et une coconstruction de sens. Il permet de dégager des finalités mais
on ne sait pas pourquoi. On peut s’y lancer sans préjuger des solutions. Il
s’agit de comprendre ensemble ce qui est recherché et par quels moyens ;
d’accorder une place importante à ce qui est trouvé, cela au-delà des
représentations négatives souvent invoquées. Ce travail passe par des
tâtonnements, des transparences et des opacités, des lueurs, des possibles, des
inventions qui impliquent la recherche individuelle et qui, par ricochets,
élaborent peu à peu un support de rencontre et de surprise.
L’expression
artistique favorise l’expression de relations intersubjectives. Elle les rend
de nouveau possibles. Se constitue alors une mémoire, au fil du temps, au
travers des processus de créativité mis en œuvre, de traces formelles (les
réalisations plastiques) et de récits partagés.
Ce
travail répond en premier lieu à l’urgence : de sortir de
l’isolement ; de faire avec les autres ; de partager à nouveau, de se
relier et se réaffilier à un groupe social. Il se construit peu à peu comme
nouvel espace de parole et de création qui va rendre présente une nouvelle
appartenance. Ce temps-là, pris entre les urgences de vie, ouvre
progressivement un avenir potentiel.
L’atelier
procure un cadre où quelque chose peut commencer à s’exprimer et s’adresser à
l’autre, par l’intermédiaire d’un dessin, d’une peinture que je
fais et que je peux montrer sans en appeler à la compréhension, à
l’analyse, à la commisération des autres.
Offrant
un espace soutenant, il ne propose pas d’objectifs ou de modalités de prise en
charge, qui seraient un parangon des dispositifs classiques. Il est un lieu où
la personne peut ré-apprivoiser la présence : à elle-même, puis à l’autre.
Un espace de reliance, de croisements imaginaires avec soi puis les autres. Un
lieu de ressources et de liens entre des morceaux de vie, des ruptures qui
peuvent trouver de nouvelles voies pour être nommées et reconnues, sans
affrontement frontal et brutal. Une activité encore qui permet de repenser et
d’exprimer la colère juste et nécessaire pour se reconstruire.
Travailler
avec ces personnes, dans le cadre d’un atelier d’expression, implique donc de
s’interroger sur le sens de leurs attentes et de tenter d’y répondre, parfois
de manière très décousue, parfois au-delà des objectifs fixés par le cadre
d’accompagnement.
Lise
ne sort plus de chez elle. Une psychologue, qu’elle a rencontrée deux fois,
nous l’adresse. À part le centre de soins où elle va chercher ses médicaments
et voir son psychiatre, elle rompt systématiquement avec toute forme de
soutien. Une visite à son domicile est organisée pour lui parler de l’atelier.
Elle sortira au bout d’une heure, poussée par son mari, qui ne supporte plus de
la voir ainsi cloîtrée. Six mois seront consacrés à apprivoiser ses peurs,
durant lesquels l’accompagnement physique jouera un rôle essentiel – ne
serait-ce pour elle que de marcher et de réapprendre à s’orienter. C’est lors
d’une de ces marches qu’elle révélera un épisode douloureux, lançant ainsi un
fil entre elle et l’atelier : celui de son journal intime, déchiré par son
mari lors d’une dispute conjugale. Renouer avec cette écriture intime à l’écart
du foyer et de la famille deviendra son « à (f)faire » au sein de
l’atelier.
La
présence de Lise restera cependant sporadique. Sa demande ambivalente. La porte
sera quelquefois fermée, ou encore Lise en peignoir, effondrée, sera dans
l’impossibilité de sortir de l’appartement. Un fil a pu être maintenu entre
elle et l’atelier pendant un an, par son évocation constante en tant que lieu
vivant à atteindre et en attente de sa venue.
C’est à
partir des liens qui se tissent qu’il peut être envisagé de nouveau mais
différemment, avec la personne, si elle le souhaite, l’engagement d’une
relation ailleurs, sur un lieu de soins, un lieu d’insertion sociale ou
professionnelle. Un travail en partenariat et en collaboration étroite avec les
associations et les structures de soin doit permettre de limiter les suivis et
de proposer une orientation plus en adéquation avec la demande, si elle existe,
et le parcours de la personne.
Avant
cette orientation, un travail dit de « bas seuil » est nécessaire.
L’atelier d’art-thérapie peut se constituer dans ce champ d’intervention, comme
un entre-deux permettant de repenser et d’accepter de recevoir de l’aide, avant
même de s’engager dans un dispositif de suivi.
L’exclusion
peut rendre invisible, non pas par choix mais par nécessité, pour survivre.
Elle peut être autorisée ainsi à exister en douce. Face à cela, des passerelles
sont à construire pour permettre à ces femmes et à ces hommes de rejoindre des
lieux où ils se sentent attendus et en sécurité. Toutefois, pour y venir, il
est parfois nécessaire de reconstruire avec elles, avec eux, des repères
identifiables qui leur soient accessibles. Cela nécessite une série d’étapes de
mise en relation de leur environnement vers celui de l’atelier – ce qui peut
être bouleversant au vrai sens du terme. L’atelier se constitue alors comme une
communauté passagère qui leur ressemble mais qui ne les place pas en marge.
Les
difficultés de mobilisation de ces sujets, souvent invoquées, posent les
questions suivantes : « Pour quoi ? À dessein de
quoi ? » L’atelier n’y donne pas de réponse tangible mais par le
biais de l’expression les déplie et les relance. Il s’agit de rejoindre son
désir, au-delà des besoins, qui font le plus souvent pression de manière
urgente et dramatique, et d’envisager de nouveau un avenir potentiel. La
relation d’aide peut alors redevenir supportable, si notre action vise en
premier lieu à réassurer le lien d’humanité indispensable à la sortie de
l’exclusion.
Cette
action ne s’invite pas dans le champ du soin proprement dit mais tend vers lui.
Il ne s’agit pas de soigner la personne mais de prendre soin d’elle jusqu’à ce
qu’elle puisse prendre le relais.
Cependant,
pour accepter de l’aide, il faut avoir retrouvé suffisamment d’estime de soi,
et d’estime de « ses frères humains », qui de nouveau vous
reconnaissent et vous accordent une place parmi eux, comme le dit justement
Jean Maisondieu (3).
Notes
(1) Communication
dans le cadre des journées internationales SIPE/Puzzle.
Lille, 7 et 8 décembre 2007.
(2) J.
Furtos, « Épistémologie de la clinique psychosociale, la scène sociale et
la place des psys », Pratiques en santé mentale, n° 1,
2000.
(3) J.
Maisondieu, La fabrique des exclus, Paris, Bayard, 1997.
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