mercredi 19 octobre 2016

Introduction à « L’art-thérapie pour les Nuls »





Parution : décembre 2015 aux EditionsFirst
Auteur : Alain DIKANN









En guise d'introduction, 

« L’art-thérapie, un peu, beaucoup, à la folie »


Pour démarrer cet ouvrage consacré à l’art-thérapie, nous avons choisi de parler de l’art. Car après tout, c’est bien à l’art sous quasiment toutes ses formes que nous allons nous frotter au détour des pages qui suivent. Avant toute chose, il est donc essentiel de rappeler que l’art existe depuis toujours et qu’il est consubstantiel à l’humain. Toutes les civilisations ont produit de l’art et des artéfacts sous de multiples formes. L’art a permis et permet encore et toujours de nous définir. C’est un élément central dans ce que nous sommes et il n’y a pas de barrières dans l’art. C’est un langage universel qui dépasse le langage verbal et qui permet à chacun de nous de communiquer des émotions et des expériences. Pour cette raison, l’expression artistique est primordiale, c’est une forme ultime de communication.

En paraphrasant Léonard de Vinci, nous pourrions dire que l’art est chose mentale, du domaine de l’intellect, de l’imaginaire, de la fabulation, du mythe. Mais c’est peut-être Wilhelm Worringer, historien et critique d’art allemand, dans un excellent ouvrage écrit en 1908, Abstraktion und Einfühlung (traduit pour la première fois en France en 1968 !) qui nous apporte le meilleur éclairage pour comprendre en quoi l’art, grâce au processus* de création*, peut être un soin : « De tout temps, l’art proprement dit a satisfait un profond besoin psychique et non la simple impulsion d’imitation, la joie ludique à copier des modèles naturels. Le nimbe qui entoure le concept d’art, tout le respectueux dévouement dont il n’a cessé de faire l’objet ne peuvent être psychologiquement élucidés que si l’on conçoit un art né de besoins psychiques et satisfaisant des besoins psychiques. »

L’art, quelle que soit sa forme, engage le cerveau tout entier. Il ouvre des horizons, notamment les horizons psychiques, il permet à l’esprit d’imaginer et d’explorer différentes sortes de réalités, différents niveaux de conscience. C’est donc très naturellement que l’art s’est mis au service du soin, d’abord de manière intuitive et empirique il y a plusieurs millénaires, avant d’être rattrapé par la science avec l’apparition et le développement de la psychiatrie.

L’art est thérapeutique par essence, et les plus grands artistes, dans tous les domaines artistiques, ont été, à un moment ou un autre confrontés à cette question. Et ce sont des artistes qui, soutenus et encouragés par des médecins, ont été à l’origine du développement de l’art-thérapie dans toutes les principales médiations artistiques*. Car qui, mieux que des artistes qui évoluent en permanence dans le monde du sensible, pouvait connaître les vertus et les bienfaits du processus de création ? Personne. Seuls ceux qui pratiquent un art savent que la loi du travail artistique est une loi de transformation. Et la transformation, c’est justement ce que permet l’art-thérapie.

Si l’art a une vocation, aujourd’hui encore plus qu’hier, c’est celui d’éclairer sur le monde environnant et provoquer des catharsis* pour mieux s’échapper psychiquement de la « matrice ». L’art en général, en offrant des formes, des sons, des mouvements, des images, des signes, des mots favorise un espace de liberté psychique, qui peut permettre de s’affranchir de l’enfermement symbolique inhérent au système actuel. En bref, l’art multiplie les supports d’expression psychique.

L’art est sacré et c’est justement parce qu’il est « ça crée » qu’il est un soin. Le « ça crée » est donc la pierre angulaire de la discipline art-thérapeutique. Dans l’art-thérapie, l’art n’est pas réduit au statut d’objet d’animation comme il peut l’être dans certains types de médiations. Il est au cœur même du processus art-thérapeutique qui va permettre à la personne accompagnée de mieux se connaître, se découvrir et surtout se subjectiviser.

De façon générale, le processus de création artistique agit comme un processus de transformation. L’art-thérapie est donc une discipline qui permet à toute personne, quelle que soit sa problématique et/ou sa pathologie* d’exprimer ses émotions et ses affects, de se soulager, reprendre goût, créer des liens* avec soi et les autres et potentiellement se transformer. Et ce, grâce à l’expression artistique et au processus de création et sans avoir recours à la parole. Or, quand on connait la difficulté que nous rencontrons tous, à des degrés divers, à pouvoir formuler clairement nos émotions et nos ressentis, alors l’art-thérapie prend tout son sens. Elle permet ainsi de parler de soi sans dire « Je » et offre la possibilité de dire l’indicible.

En France, l’art-thérapie est une discipline en plein développement, essentiellement pour deux raisons : d’abord parce qu’elle était très en retard par rapport à de nombreux pays où elle est fortement implantée (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Allemagne, Suisse, mais également en Inde, Singapour, Japon, Australie…), et surtout parce qu’elle est devenue une discipline construite et balisée qui répond à de nombreux besoins, tant sur le plan médical que sur le plan du développement personnel*. À l’art-thérapie traditionnelle a donc succédé l’art-thérapie moderne qui est entrée dans la chaîne du soin et qui déborde aujourd’hui de ce cadre pour se mettre au service d’un meilleur épanouissement de l’humain.

En ce début du XXIe siècle, l’art-thérapie est encore une thérapie en devenir, dans le sens « work in progress » (« chantier en cours ») aussi bien sur le plan clinique*, pratique et théorique. Et si elle est aujourd’hui une discipline conceptualisée, elle n’est en aucun cas figée. D’autant que l’art-thérapie est plus qu’une thérapie. Grâce à l’art, elle présente une dimension holistique* : elle prend en compte tous les aspects de la vie dans ses composantes physique, mental, émotionnelle, sociale, culturelle et spirituelle. Dans ce sens, l’art-thérapie peut être considérée comme une philosophie de vie. C’est ce que nous voulons vous faire découvrir et surtout vous faire partager dans les pages qui suivent.


« L’art-thérapie pour les Nuls »


Partie 1 : Aux origines de l’art-thérapie

Chapitre 1 : L’art s’invite dans les hôpitaux
Genèse de l’art comme soin 
L’art, une thérapie millénaire
Pythagore, Socrate, Platon et… Confucius
Le grand bond en avant
Naissance de la psychiatrie en plein romantisme
Le génie créateur, un aliéné qui s’ignore
L’art comme décryptage
La reconnaissance de l’art des fous
Art des fous et fous d’art : le temps des collections
La collection Prinzhorn
La Suisse au cœur de l’art des fous
La collection Morgenthaler
La collection Rorschach
La collection de Königsfelden
De l’art psychopathologique aux ateliers d’expressions
Anti-psychiatrie et thérapie institutionnelle


Chapitre 2 : Des mouvements artistiques aux frontières de l’art-thérapie
Le romantisme ou l’émergence des émotions
« Tempête et passion »
William Blake « le visionnaire »
Un nouvel esthétisme nommé symbolisme
Le cri de Munch
La révolution expressionniste
La sécession, « Die Brücke » et « Der Blaue Reiter »
Naissance de Dada au Cabinet Voltaire
Le mouvement surréaliste
L’art brut, préféré aux arts culturels


Chapitre 3 : L’art au service des patients ou les débuts de l’art-thérapie
Le théâtre de la spontanéité de Jacob Levi Moreno
Margaret Naumburg et l’art-thérapie dynamique orientée
Adrian Hill, le premier « art-thérapeute »
Edward Adamson, artiste et fondateur de l’art-thérapie anglaise
Eric Cunningham Dax, sur les traces de Prinzhorn
Edith Kramer et la « 3ème main de l’art-thérapeute »
Augusto Boal et le « théâtre de l’opprimé »
Marian Chace et « la danse pour la communication »


Chapitre 4 : L’art-thérapie sur le divan
Freud, la Gradiva et le processus créateur
La littérature, fondement de la théorie freudienne
Quand l’œuvre crée le créateur
Transfert et contre-transfert
Jung et l’imagination active
L’alchimie, une métaphore culturelle
Le concept d’archétypes
Une méditation par l’image…
… qui favorise le principe d’individuation
Winnicott et la théorie de la transitionnalité
La créativité dans son aspect universel
L’être et le faire (being and doing)
L’espace et l’objet transitionnels
Le jeu
Le groupe thérapeutique
La dynamique des groupes avec Anzieu et Kaës
Les fonctions du groupe en art-thérapie


Partie 2 : L’art-thérapie, Kesako ?

Chapitre 5 : L’atelier d’art-thérapie, un terrain de jeux/Je
Un terrain de jeux (Je) à plusieurs réalités
Du Dramatic Workshop à l’atelier d’assemblage
Un lieu où « l’on élabore »
Un lieu qui donne en-vie de créer
Un lieu « ça crée »
Un espace extra-ordinaire à configurations variables
Un cadre de rencontre (avec soi et les autres)
Une aire de plaisir et d’expérimentation
Un espace transitionnel


Chapitre 6 : Un objet nommé désir
L’objet transitionnel
Parler de soi sans dire « Je »
La matière au cœur du dispositif d’art-thérapie
Revenir en enfance
L’émergence du « Jeu (Je) »
De l’objet à l’« obJe »
« L’objeu » 


Chapitre 7 : Jouer, c’est créer
Il n’y a pas d’âge pour jouer
Game, Play et Interplay
Le jeu et l’« en-jeu »
Je joue donc je crée
Je crée donc je suis
Jouer à plusieurs c’est plus drôle que jouer tout seul
L’art-thérapeute, garant du jeu (Je)
Des « jeux » aux « Je »


Chapitre 8 : Carpe Diem et processus de création
Carpe Diem, « ici et maintenant »
Instant présent et « pleine conscience »
« Pleine conscience » et art-thérapie
Art-thérapie et Gestalt-thérapie
La Gestalt-thérapie, thérapie du contact
« Je crée-à-tive, tu crées-à-tion, ils créent »
L’imagination, matière première de la créativité
Dans imagination, il y a image
L’imagination « matérielle » de Bachelard
Sans créativité, pas de création
L’art-thérapie ou l’art de stimuler la créativité
Le processus de création selon Anzieu
Les cinq lois du processus créateur


Chapitre 9 : Métaphore, symbolisation et mouvements créatifs
Métaphore, mon Amour
L’art de la métaphore et la métaphore de l’art
Métaphore, métonymie et art-thérapie
Les différentes fonctions de la métaphore
La métaphore dans tous ses états
La métaphore, productrice de « Jeu/Je »
 « Saint-beau-lisons »
Genèse du symbole
Les fonctions du symbole
Des symboles pour comprendre le monde
Les symboles omniprésents dans l’art
Symboles et psychanalyse
« Le Symbolique, l’Imaginaire et le Réel »

Partie 3 : L’atelier d’art-thérapie, un atelier « ça-crée »

Chapitre 10 : L’art-thérapeute au service du « ça crée »
L’art-thérapeute, garant du cadre
L’empathie rogérienne
Un facilitateur qui incite…
… et un témoin en pleine conscience
Un catalyseur qui favorise le processus de création
Art-thérapeute et « art-thérapoète »
Éthique et po-étique de l’art-thérapeute
Solliciter et laisser faire
L’art-thérapeute, dépositaire d’un « Work In Progress »
L’art-thérapeute, un artiste qui ne s’ignore pas


Chapitre 11 : Eloge de la contrainte libératoire
Contraintes artistiques volontaires, contraintes libératoires, consignes…
Bref aperçu de la contrainte artistique
La « contrainte libératoire oulipienne »
La liberté de créer, une liberté toute relative
« Créez spontanément »
« Double Bind »
Transgressons la contrainte
Les différents types de contraintes
L’art d’introduire (ou non) des consignes
Petit mode d’emploi des « contraintes libératoires » à l’attention des futur(e)s art-thérapeutes
Les modalités de création en groupe


Chapitre 12 : En séance d’art-thérapie
En amont de la séance d’art-thérapie
La rencontre préalable
La nécessité d’un protocole de prise en charge
Les motivations et les attentes
La médiation
Les règles de l’atelier
La fréquence et la durée
Volontariat, adhésion, envie, plaisir…
Accompagnement individuel ou en groupe
En séance
La conservation des créations
Chaque séance d’art-thérapie est une nouvelle séance de jeu (Je)
Nouveau souffle versus processus répétitif
Hors-les-murs
En aval
Le temps de l’évaluation
Grille d’observation
Super-vision


Partie 4 : L’art-thérapie dans tous ses états

Chapitre 13 : « La matière et l’éveil des sens »
Quand la plasticité de la matière favorise l’élasticité psychique
La médiation peinture
« L’homme-peintre »
Peindre pour s’exprimer librement
Le Traité des couleurs de Gœthe
Le « Closlieu », le « servant » et la trace
Peindre comment ?
Pollock et « l’action painting »
Reproduction interdite
Peindre avec quoi ?
Le dessin sous certaines conditions
La médiation collage
D’Arcimboldo aux surréalistes
Collage et « combine-paintings »
Une expression ludique…
…et thérapeutique
La médiation modelage
La terre, le Dieu-sculpteur et la vie
L’argile, matière créatrice et thérapeutique
Fouilles et archéologie de l’inconscient
L’argile, facilitatrice des expressions émotionnelles…
… et du retour au réel
Le champ d’argile de Heinz Deuser


Chapitre 14 : « Les bruits du monde »
Une thérapie vieille comme le monde
Les bruits du monde
La musique adoucit les mœurs
Vivre une expérience musicale
La musique favorise le groupe
Les deux approches de la musicothérapie
L’approche réceptive
Le cerveau musicien
L’approche active
Petit bilan psychomusical


Chapitre 15 : « Le cadavre exquis boira le vin nouveau »
L’écriture, une trace mnésique millénaire
Le livre de l’inconscient
« L’archiécrit » de Lacan
L’écriture surréaliste
« Le cadavre exquis boira le vin nouveau »
Les fonctions thérapeutiques de l’écriture
Des jeux (Je) d’écriture
À vos stylos !
Un ou deux jeux en « amuse-bouche »
Une création littéraire
Une lecture et des échanges
Un jeu pour se libérer et se quitter
L’écriture associée à l’image


Chapitre 16 : « Une photo vaut mille mots »
Une image sur des maux
De La chambre claire à la photographie thérapeutique
Et si on se faisait tirer le portrait ?
La photographie thérapeutique se révèle
La photographie comme pratique
David Nebreda, ou comment « se voir sans se voir »
La photographie comme finalité
Parler de soi sans dire « Je » grâce au photolangage


Chapitre 17 : En scène avec les « spect-acteurs »
La médiation théâtre
Catharsis, métamorphose et création inconsciente
Le psychodrame
La « scène psychique » de Freud
Le théâtre Playback
Le théâtre de la réminiscence ou dramathérapie
En scène
Le mime ou l’expression du corps tout entier
La médiation cinéma-vidéo
Scénarisation et « spect-acteurs »
La danse-thérapie
Le mouvement, c’est la vie
Quand le mouvement est émotion
La danse-thérapie, une histoire de corps
En piste !



Partie 5 : La partie des Dix

Chapitre 18 : Dix raisons d’avoir recours à l’art-thérapie
Développement personnel
Troubles de l’apprentissage scolaire
Insertion professionnelle et sociale
Exclusion, rupture sociale, enfermement
Violences
Bipolarité, névrose, psychose
Addictions
Lésions cérébrales
Maladies neuro-dégénératives
Oncologie


Chapitre 19 : Dix idées reçues sur l’art-thérapie
Il faut pratiquer un art pour être accompagné en art-thérapie
L’art-thérapie est une activité occupationnelle
L’art-thérapie et l’ergothérapie, c’est la même chose
L’art-thérapie est basée sur l’interprétation des créations artistiques
L’art-thérapie est une thérapie brève
L’art-thérapie va totalement me transformer et me guérir
L’art-thérapie sans art-thérapeute, c’est possible
L’art-thérapie, un artiste sans formation peut la pratiquer
L’art-thérapie, c’est pour les riches
L’art-thérapie, ce n’est pas pour moi, c’est pour les « malades mentaux »


Annexes : des infos utiles et pratiques
Glossaire
Sources bibliographiques et sitographiques
Informations pratiques


Dikann

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