Genèse
des ateliers d’écriture
D'un point de vue étymologique, l'astelier est un «
tas de bois » ou encore « astelle », qui désigne les éclats de bois.
Par extension, l’atelier est un lieu où « l’on élabore », où l’on
utilise les différents éclats et morceaux de bois pour les unifier et pour
fabriquer quelque chose.

Les ateliers
d’écriture ont vu le jour aux Etats-Unis vers la fin du XIXe siècle,
plutôt sous une forme littéraire. En Europe, les ateliers d’écriture se sont
développés à partir du désir d’écrire avec les « ateliers de bricolage en
écriture » (Anne Roche) et les ateliers d’écriture au sein des instituts
médico-psychologiques (Elisabeth Bing).
Les ateliers
d’écriture peuvent avoir différentes approches : thérapeutique, éducatif,
ré-éducatif, littéraire, expression personnelle…
L’atelier
d’écriture, pour quoi faire ?
L’atelier d’écriture est le lieu où
les tabous de l’écrit peuvent être levés et où la pensée va re-trouver le sens
originel des mots. Elle va se ré-approprier les mots, jouer avec eux, et
renouer avec le langage qui la maintient au sein de la société. L'atelier d'écriture peut notamment permettre
de travailler, tout en s’amusant, sur le sens des mots et notamment des mots du
langage courant que l’on emploie sans réfléchir.
Comme tout atelier d’art-thérapie,
l’atelier d’écriture doit être contenant pour chaque patient. C’est aussi un lieu
de dépôt, où l’on dépose ce qui nous encombre. Pour cette
raison, les patients doivent pouvoir s’appuyer sur quelque chose de solide, une
sorte d’équivalence au corps maternel qui sert de support et d’appui à l’enfant
pour se forger sa propre identité et sa propre représentation du monde.
L’atelier d’écriture, l’écriture et le
groupe peuvent être assimilés à une sorte de réceptacle et chaque patient peut
ainsi enfin « se mettre au monde ». Bien souvent les patients
assimilent ce moment de création à une renaissance, un baptême, une ouverture
vers l’extérieur, une porte… Ou comment re-naître en écrivant, en traçant des
mots.
L’atelier d’écriture offre aux participants
un espace pour faire sortir les mots et les partager dans un moment de plaisir,
mais aussi parfois d’angoisse. Ecrire, c’est prendre conscience de ce que l’on
vit, de ce que l’on ressent. Au sein de l’atelier d’écriture, les différents
jeux d’écriture vont permettre au Moi de se démultiplier dans une dynamique de
reconstruction de la personnalité. C’est mettre de l’ordre dans ses souvenirs
et en témoigner, c’est aussi faciliter le recentrage sur soi. Mais écrire
présente aussi des risques, notamment le risque de se perdre et de mettre au
jour ses propres contradictions. Beckett disait : « Ecrire, c’est
forer son propre trou noir. » Et dans la solitude, les mots sont parfois
durs et difficiles à relier.
En atelier d’écriture,
toutes les formes d’écriture peuvent être abordées, toutes les thématiques
également mais aussi des thématiques ciblées selon les pathologies des
participants, selon leur âge, et selon leur rapport à l’écriture et aux mots. Alternance
des formes, des jeux et des thématiques d’une séance sur l’autre.
Participer à un atelier d'écriture permet de renouer avec le sens même de
la parole, de reconsidérer le Moi par rapport et dans ses rapports à l’Autre. L'atelier est avant tout un lieu convivial dans lequel la parole devient
une source de créativité et d'émotion. Chaque participant retrouve une
confiance en lui qui lui permet de communiquer avec les autres.
L’atelier
d’écriture, un espace de jeu(x)/Je, de création et de parole(s)
Un atelier
d’écriture se doit d’abord d’être un espace de jeu et de plaisir. C’est un
endroit à part et une parenthèse dans la vie quotidienne. C’est un lieu offrant
la possibilité de mettre à distance et en perspective d’abord le vécu de la vie
quotidienne puis celui de l’histoire personnelle.
Un atelier
d’écriture est une bulle dans laquelle on vient se régénérer et oublier pour
mieux se rappeler, se détendre, jouer et prendre plaisir à l’abstraction. C’est
un lieu où l’on peut ré-inventer sa propre histoire pour mieux mettre en
perspective sa réalité.
C’est un lieu
de rencontre de plusieurs personnes libres de contraintes orthographiques et
locutions grammaticales en tous genres. C’est un cadre rassurant, dans lequel le
plaisir fait lien. C’est un lieu qui favorise l’imaginaire. C’est un espace
vivant susceptible d’être régulièrement interrogé, ré-inventé pour s’adapter à
la réalité de chaque participant.
Un atelier
d’écriture est un espace sensible. Il convient donc de créer les conditions
pratiques de la détente, tout en respectant les enveloppes protectrices de
chacun. Il ne s’agit pas de s’intéresser aux histoires personnelles des
patients mais bien plutôt de leur faire découvrir le plaisir de se re-mémorer.
Un atelier d’écriture vivant se doit d’être lui-même inscrit dans un scénario
qui entraîne la pensée, dans lequel chaque séance est un épisode d’un
feuilleton qui au fil du temps se dessine, de part l’implication des
participants.
C'est aussi dans l'atelier que l'on
apprend à mieux connaître les « forces d'empêchement » (mais aussi
les « forces d'encouragement ») qui sont au cœur de notre rapport
personnel à l'écriture, de notre rapport au processus de création.
Écrire en atelier, c’est expérimenter
par soi-même de nouvelles voies littéraires, tout en se confrontant au regard
des autres. C'est s'ouvrir à d'autres écrivants, à d'autres auteurs, à d'autres
façons d'écrire.
L’atelier d’écriture est aussi un
espace d’écoute, une écoute qui ne soit pas un jugement, une façon de prendre
acte de paroles, sans prêter le flanc à l’interprétation. C’est donc un lieu où
l'on apprend à affiner et aiguiser son écoute des textes des autres. De telle
façon que l'on devient, peu à peu, au fil des séances, un meilleur lecteur de
ses propres textes.
Fonctionnement
de l’atelier d’écriture
Les ateliers d’écriture peuvent se
dérouler soit en individuel, soit en groupe restreint de 3 à 8 personnes.
Les patients sont volontaires. Idéalement,
chaque patient a un entretien individuel avec l’art-thérapeute au préalable
afin de lui présenter l’activité d’écriture, et de recueillir ses impressions,
envies, insight.
Dans le cadre d’un atelier en groupe,
quatre possibilités, trois essentiellement en atelier d’écriture :
- Soit les
participants écrivent et créent individuellement à partir d’une contrainte
commune / création individuelle en groupe.
- Soit les
participants écrivent ensemble un texte / création collective.
- Soit les
participants écrivent individuellement puis mettent en commun leurs écrits pour
un écrit collectif / création collective via assemblage.
- Soit les
participants écrivent « en dialogue » / création collective en
dialogue.
Sur le plan de la « structuration »
du groupe, il est intéressant que les groupes ne soient pas homogènes. En
d’autres termes, que les différents participants n’aient pas le même rapport à
l’écriture, ni le même niveau en termes de vocabulaires ou de culture générale
ou encore qu’ils ne soient pas de même niveau social n’est pas un problème. Au
contraire, cela peut favoriser de meilleurs échanges, sur différents niveaux. Ce
qui est intéressant c’est comment l’écriture peut bousculer et déranger les
rapports sociaux, les structures sociales, celles qui régissent les institutions et celles qui sont intégrées
dans chaque être. Dans un hôpital psychiatrique, le public n’est pas homogène.
Seule la souffrance psychique est relativement homogène, souffrance psychique
accompagnée d’une souffrance sociale.
D’une certaine
façon, les techniques peuvent apparaître comme secondaires. Il est évident que
certaines consignes vont favoriser la spontanéité pour écrire et faciliter des
libertés de langage pour d’autres. D’autres types de consignes vont encore
faciliter la concentration et/ou entraîner une certaine gymnastique
intellectuelle (voir Contraintes/Jeux et exercices).